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© Pages et Plage 2001 Création Alain Moreau

Le monospace

Alain MOREAU

LE MONOSPACE
Alain MOREAU
nouvelle
 © Réminiscences 1998

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6

Toute ressemblance ou homonymie avec des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et involontaire.


1


Il était pile six heures lorsque le réveil-radio de Laurent se déclencha. À demi inconscient, il activa la télé-commande qui régentait son appartement, puis il remonta sa couette, en guettant les bruits annonciateurs du réveil. La cafetière se mit en route la première, suivie par la douche et Laurent, comme tous les matins, hésita un instant entre les deux options. Et, comme tous les matins, il opta pour la douche, puisqu’il n’avait pas entendu le toasteur. Il se leva, à regrets, ôta son pyjama, et se dirigea vers la salle de bain. En fermant les yeux, il s’engouffra sous la douche, à température idéale, cherchant à tâtons le savon liquide. Dix minutes plus tard, rasé de près, il saisissait un peignoir et rejoignait la cuisine, alors que le toasteur, évacuait deux tartines grillées, dans un bruit caractéristique. Il se servit un café et beurra la première tartine, en fixant le téléviseur qui, sentant son regard, se mit en marche pour la météo.
« Chers téléspectateurs, nous sommes le mardi quatorze juin 2098. Il est six heures trente et la circulation est fluide. Aujourd’hui vous bénéficierez d’un temps magnifique. Le soleil sera au rendez-vous toute la journée et les températures avoisineront vingt huit degrés à l’ombre. Si votre voiture n’est toujours pas équipée de climatiseur, appelez le 20.30.40.50.60.70 et nous viendrons vous l’installer dans la demi-heure… Politique : le gouvernement européen a décidé de lutter, à nouveau, contre le déficit de la Sécurité Sociale… Finances : l’euro est en hausse et les accords pour scinder l’euro et le dollar sont en passe d’aboutir… Sport : les jeux olympiques débuteront demain… »
Laurent plaça sa tasse vide dans le lave-vaisselle, qui se mit en route aussitôt, et se leva, en détournant les yeux du téléviseur, qui s’éteignit comme à regret. Il rejoignit sa chambre, et appuya sur le bouton qui commandait le dressing. Un tourniquet apparut, lui présentant la tenue idéale pour la température prévue, et il revêtit un léger costume en lin et une chemise dans la même matière.
Au même instant, il entendit son monospace à coussins d’air se mettre en route, pour activer le climatiseur. Laurent sortit de son appartement, et le monospace ouvrit une portière coulissante, orienta le siège conducteur et activa la radio : « Si votre voiture n’est toujours pas équipée de climatiseur, appelez le 20.30.40.50.60.70 et nous viendrons vous l’installer dans la demi-heure… ». D’un geste, Laurent coupa la radio, puis il plaça son téléphone portable dans son emplacement, et s’installa, en posant une serviette de cuir à côté de lui. La porte du garage se releva, alors que le véhicule sortait doucement. Il était à peine sept heures, et tout le deux cent vingt cinquième étage était encore endormi. Laurent aimait bien partir tôt, pour éviter les embouteillages.
Il contourna La Défense et la Tour de l’Infini, où se trouvait le Siège de sa Société. De son bureau, au quatre centième étage, il surplombait tout Paris et bénéficiait d’une vue imprenable sur la place de l’Étoile et les Champs-Élysées, en ligne droite jusqu’au Palais du Louvre. Il survola la place de la Concorde, admirant la Seine dépolluée, et se dirigea vers l’autoroute du sud. Il appuya sur une des touches de son ordinateur de bord, et le monospace descendit doucement vers la sixième file, la plus rapide.
L’autoroute était dégagée et, à trois cent soixante km/h, Lyon n’était qu’à une heure et quart de Paris et Laurent avait tout juste le temps de préparer son argumentaire. Il appuya sur un nouveau bouton et le volant se rétracta, faisant apparaître un clavier d’ordinateur à touches tactiles. Laissant son véhicule continuer sa route, guidé par ses radars, il cliqua pour ouvrir le dossier de son client. L’affaire était délicate, il s’agissait d’un projet de centrale solaire, implantée sur le sol lunaire, et qui devait alimenter une nouvelle ville. Il y en avait déjà trente sur place, gérées par L.M.S., la Société qu’il avait créée voilà bientôt dix ans, il avait alors tout juste trente ans. À cette époque, le gouvernement européen avait engagé un ambitieux plan de dépollution.
En misant sur les centrales solaires, Laurent Maissonnier avait fait le bon choix, et son bureau d’études avait raflé tous les plus gros marchés mondiaux. Maintenant, il se développait sur la Lune, où des pionniers créaient de véritables villes, pour la population excédentaire de la planète. Depuis peu, il envisageait Mars et y étudiait les possibilités.
Laurent avait eu vent d’un concurrent, près à tout pour emporter le marché, et il devait connaître le dossier par cœur, pour éviter tout impair. Il consulta le tableur et vérifia les chiffres prévisionnels, un à un.
— Pas une faille, j’ai toutes les chances de l’emporter, cette fois-ci encore.
À cet instant, son téléphone tinta, et il appuya sur une nouvelle touche. Le visage de son interlocuteur apparut, remplaçant le tableur.
— Monsieur Maissonnier ? Bonjour, ici Georges Afner. Êtes-vous encore loin de Lyon ?
— Bonjour, Monsieur Afner. Je suis à dix minutes au plus…
— Je viens de consulter les informations routières. Un camion a provoqué un accident, et la circulation est bloquée dès l’entrée de la ville. Je vous propose de me rejoindre dans ma propriété, à un quart d’heure au Sud-Ouest.
— Comme vous voulez. Transmettez-moi les coordonnées exactes.
— D’accord, à tout à l’heure, conclut Georges Afner.
L’ordinateur enregistra les coordonnées et le monospace ralentit vers la prochaine sortie. Lorsqu’il quitta l’autoroute, un nouvel écran s’afficha, montrant la carte de la région. Sa destination clignotait en orange, et un point lumineux vert situait son véhicule. Dès la première bretelle, sa vitesse se réduisit jusqu’à cinquante km/h, seule vitesse autorisée, hors de l’autoroute. Laurent rappela le volant et reprit les commandes.
Sur route ouverte, la conduite devenait dangereuse, car certains autochtones avaient restauré des véhicules du siècle dernier, qui pouvaient rouler à plus de deux cents km/h. Tout en contrôlant les indications de son navigateur, Laurent jeta un regard dans ses rétroviseurs. Une voiture arrivait derrière lui, à pleine vitesse, et le doubla bruyamment. Son monospace fit un écart, provoqué par le souffle du bolide ; et il le rétablit d’un léger coup de volant, en se demandant où ces gens se procuraient le carburant.
— À Paris, depuis que les véhicules à piles solaires sont obligatoires, il est impossible de trouver une pompe à essence. Il doivent rouler au gas-oil, qui est encore autorisé pour les engins agricoles, quelle horreur, il n’y a rien qui pollue plus au monde. C’est vrai que, lorsque l’on sort de l’autoroute, il n’y a pratiquement plus aucun contrôle de police, juste quelques survols d’hélicoptères solaires qui ne se posent jamais.
Tout en se parlant à lui même, Laurent ouvrit un vide poche et en extirpa un pistolet laser, dont il vérifia la charge. Les routes de campagne n’étaient plus sûres et de nombreux pirates de la route, à bord de ces rapides véhicules, rançonnaient les voyageurs. Il activa la sécurité et les portes se bloquèrent, alors qu’un champ de force, à l’épreuve des balles et des tirs laser, s’activait. En vérifiant son navigateur, Laurent constata qu’il n’était plus loin, maintenant ; il restait un kilomètre, et il guetta la prochaine intersection.
Il bifurqua à gauche, dans un mauvais chemin couvert de ronces, uniquement accessible aux véhicules à coussins d’air, en pensant que son hôte était prudent. Il fit cinq cent mètres et découvrit une forêt entièrement close, protégée par un mur de pierres infranchissable. À son approche, une grille s’ouvrit silencieusement, il était attendu. En saluant, en direction des cameras de contrôle, il pénétra dans un grand parc. Des biches et des faons croisèrent son véhicule, et Laurent, admiratif, pensa que Georges Afner avait bien de la chance. Au creux d’une vaste clairière, il discerna un étang, où nageaient de majestueux cygnes, indifférents aux canards qui les suivaient. Soudain, au bout d’une allée parfaitement ratissée, il aperçut une somptueuse propriété datant du dernier millénaire et totalement restaurée. Georges Afner, souriant, l’attendait, debout sur une terrasse dallée de marbre blanc italien, en tirant sur un énorme havane.

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2


Laurent stoppa son véhicule, libéra la sécurité, ouvrit la portière, et descendit souplement. Son hôte s’était approché, et le salua courtoisement.
— Bonjour, monsieur Maissonnier, vous n’avez pas eu de peine à trouver mon domaine ?
— Bonjour, monsieur Afner, non aucune, je dispose d’un navigateur par satellite. Félicitations, votre propriété est magnifique.
— Je vous remercie, c’est mon havre de paix. Eh bien, entrons, le dossier se trouve dans mon bureau. Désirez-vous boire quelque chose ?
En refusant poliment l’offre, Laurent suivit son hôte dans un luxueux bureau Louis XVI, et s’installa face à lui, dans un profond fauteuil de cuir.

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