Pages et Plage

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© Pages et Plage 2001 Création Alain Moreau

un euro pas très franc

UN EURO PAS TRÈS FRANC
Alain MOREAU
nouvelle
© Euro 1999

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Épilogue


Toute ressemblance ou homonymie avec des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et involontaire.


1


Stéphane, cadre marketing, se rend acquéreur, pour un Euro symbolique,
d’une usine de machines-outils en faillite, dans le sud de la France.
Avec l’aide de deux anciens collègues, il va tenter de redresser l’entreprise.


Stéphane Garnier regardait le paysage défiler, à toute vitesse, à travers la vitre du TGV Paris/Orange. Dans moins de deux heures, ce vendredi cinq février, il allait affronter une nouvelle vie et il n’oublierait jamais cette date. Il pensa à son parcours de directeur du marketing.
Il travaillait depuis quinze ans chez un fabricant de machines-outils, lorsqu’un Groupe étranger avait racheté l’entreprise. Du jour au lendemain, il avait perdu son poste, ainsi que tout le staff de direction. Il avait décidé de racheter une entreprise en difficulté avec deux anciens collègues, Christian Robert le directeur technique, et Patrick Ronsard le directeur administratif et financier, et ils épluchèrent les annonces légales de dépôts de bilan. Lorsqu’ils apprirent la faillite de Sud-Machines-Outils, ils prirent aussitôt une option pour son acquisition. Il s’agissait d’une entreprise concurrente de celle qu’ils venaient de quitter et ils avançaient donc en terrain connu.
Une étude détaillée des comptes de la Société les rassura. Jusqu’à l’année précédente, Sud-Machines-Outils était viable, elle avait brusquement plongé en fin d’exercice, laissant un trou évalué à cinq millions d’Euro. Ils n’eurent aucune peine à monter un dossier et à l’acquérir pour un Euro symbolique, effaçant les dettes antérieures. Il ne leur restait plus qu’à remettre leur bébé à flot, et ils disposaient de quinze mois pour réussir.
— Nous arrivons, il me semble.
La voix de Christian Robert sortit Stéphane de ses pensées.
Il regarda à nouveau par la fenêtre, effectivement le train ralentissait ; il était dix heures trente. Patrick Ronsard referma son ordinateur et le glissa dans une sacoche en cuir. Après l’arrêt total, les trois hommes se levèrent, saisirent des bagages, au-dessus d’eux, et sortirent du wagon.
Sur le quai, un homme d’une cinquantaine d’années, très bronzé, brandissait une pancarte sur laquelle était inscrit SMO. Stéphane en conclut qu’il s’agissait d’Ange Pratrioni, le directeur commercial, et le rejoignit la main tendue.
— Monsieur Pratrioni, je suppose ?
— Lui-même, Monsieur…
— Stéphane Garnier, je vous présente Patrick Ronsard et Christian Robert.
— Bonjour messieurs, Ange Pratrioni. Suivez-moi, ma voiture est au parking, salua l’homme en les précédant.
Il portait un costume de flanelle légère, très bien coupé, sur une chemise bleu électrique, éclairée par une cravate à motifs jaunes. Sa chevelure fournie, totalement blanche, contrastait avec son visage bronzé, et sa démarche était longue et souple. Les trois hommes le suivirent, en négligeant d’enfiler leur manteau, il faisait très doux.
— Ce n’est pas le même climat qu’à Paris, il faisait trois degré au maximum, constata Christian Robert en souriant. Il était toujours de bonne humeur.
Ange Pratrioni sortit une clé de sa poche et cliqua en direction d’une Safrane Initiale rutilante. Puis, il ouvrit le coffre et y glissa les bagages des voyageurs.
— Je vous emmène à la Villa d’Aigues, Monsieur Garnier, en voici les clés et aussi celles de la voiture de notre ancien patron, dit-il, en prenant place au volant et en tendant le jeu de clés à Stéphane.
— Prenez votre temps, j’ai réservé une table pour douze heures trente à l’Auberge du Bois de la Ranjarde ; c’est à cinq minutes de votre nouveau domicile, ajouta-t-il, en faisant glisser la grosse berline hors du parking.
Dix minutes plus tard, ils atteignaient Sérignan-du-Comtat.
— L’usine se trouve à l’entrée de la ville, sur votre gauche. Vous voyez, le grand bâtiment blanc ? Il faudra refaire la signalétique, le logo est effacé.
Les trois voyageurs acquiescèrent en silence, en détaillant la construction qui devait avoir une cinquantaine d’années.
— L’usine aura besoin d’un sérieux coup de peinture, pensa Stéphane Garnier, elle est carrément lépreuse.
Ange Pratrioni passa devant le bâtiment et vira à gauche, en direction de Lagarde-Paréol. Deux kilomètres plus loin, il stoppa devant une grande grille, fouilla dans le vide-poches, et sortit une télécommande qu’il activa. Le portail s’ouvrit sans bruit.
Tout en démarrant, il tendit la télécommande à Stéphane.
— Un peu plus, je l’oubliais… Vous allez aimer la Villa d’Aigues, votre prédécesseur était un collectionneur avisé, dit-il en s’engageant dans une allée bordée d’arbres centenaires.
Effectivement la demeure était superbe, elle datait du début du siècle et devait disposer d’au moins dix pièces ; une grande piscine prolongeait une terrasse dallée. Lorsque la Safrane s’arrêta, un couple de septuagénaires sortit sur le perron et se dirigea vers le coffre, avec un empressement comique.
— Monsieur et Madame Lesueur sont les gardiens de la Villa d’Aigues. Ils habitent dans la petite maison qui se trouve à l’entrée du parc. Germaine vous fera la cuisine et Fernand s’occupe du jardin. Je vous laisse entre leurs mains. Pour rejoindre l’auberge, tournez à droite, en sortant, puis roulez deux kilomètres, elle se trouve en contrebas sur votre gauche. Vos invités peuvent y prendre une chambre, elle est très calme. À tout à l’heure, Monsieur Garnier.
En le regardant s’éloigner, Stéphane pensa :
— Il n’a pas adressé une seule fois la parole à Christian et à Patrick. Il doit se méfier de ces deux nouveaux collègues.
Les trois amis saisirent leurs bagages, sous les protestations des gardiens et pénétrèrent dans la maison, suivis par cet étrange couple.
— Je vous ai préparé la chambre bleue dans l’aile droite, Monsieur Garnier, dit la vieille femme en regardant timidement Stéphane.
— Je vous remercie, Madame.Et où avez-vous placé mes collègues ?
La gardienne devint cramoisi.
— Excusez-moi, je ne savais pas… Monsieur Pratrioni, ne m’avais pas averti. Je croyais que ces messieurs couchaient à l’auberge… Je leur prépare tout de suite la chambre verte et la chambre jaune, dans l’aile gauche. Je suis confuse…
— Ne vous inquiétez pas Germaine, vous n’avez rien à vous reprocher. Seulement, nous pensions nous débrouiller seuls. Nous n’avions pas prévu un tel accueil, rétorqua Stéphane Garnier en souriant.
— Mais c’est notre travail, Monsieur, répondit-elle, offusquée.
Ils prirent possession de leurs chambres respectives. Elles disposaient toutes d’une vaste salle de bain, et les trois hommes prirent une douche rapide et passèrent un nouveau costume. Une demi-heure plus tard, ils se retrouvaient dans un salon somptueux, aux meubles de valeur, et s’apprêtaient à commenter leurs premières impressions, lorsque la gardienne apparut.
— Voulez-vous prendre un rafraîchissement, pendant que mon mari sort la voiture ?
— Merci, Germaine. Vous pouvez disposer, répondit Patrick Ronsard.
La femme le regarda d’un air outré et disparut.
— Nous parlerons dans la voiture, conseilla Stéphane à voix basse.
— Tu as raison, la vieille chouette écoute sûrement derrière la porte, répondit Christian Robert sur le même ton.
Un bruissement confirma son propos. Un ronflement feutré, à l’extérieur, annonçait la voiture et ils sortirent sans mot dire. Du perron, ils aperçurent une longue Jaguar vert bouteille, et Christian ne put retenir un sifflement.
— Eh bien ! Et l’on se demande pourquoi notre prédécesseur a fait faillite…
Fernand sortit de la limousine et se précipita pour ouvrir les portières. Il arborait une casquette de chauffeur. Stéphane s’approcha, en sortant ses clés.
— Laissez Fernand, je vais conduire cela me détendra.
Le vieil homme parut déçu.
— Comme Monsieur voudra, balbutia-t-il.
Les trois amis s’engouffrèrent dans la Jaguar, et Stéphane démarra en douceur, sous le regard réprobateur des gardiens.
— J’ai failli exploser, souffla Patrick. T’attendais-tu à un pareil accueil, Stéphane…?
— Pas le moins du monde, mais je sens qu’il va y avoir du ménage à faire. Maintenant, allons affronter les cadres de cette boîte, répondit Stéphane en dirigeant la limousine vers l’allée qui menait à la grille.

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2


Devant la grille close, Stéphane Garnier stationna un instant, semblant attendre un quelconque signal. Ses deux compagnons l’observèrent avec étonnement.
— Eh bien Stéphane, aurais-tu oublié la télécommande ? lui demanda Patrick Ronsard.
— Non, mais je pensais que les diodes fonctionnaient seules dans ce sens. À ton avis, comment Ange Pratrioni est-il sorti ? Il n’y avait personne pour lui ouvrir…

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