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© Pages et Plage 2001 Création Alain Moreau

Le domaine des cèdres

LE DOMAINE DES CÈDRES
Alain MOREAU
roman
 © Les cèdres 1997

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6

Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12

Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18

Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21

Toute ressemblance ou homonymie avec des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et involontaire.


1


Le soleil avait fait son apparition et les journées commençaient à être chaudes. Nous étions déjà en mai et les prévisions météo réjouissaient Michel Sandorot. La Société pour laquelle il travaillait commercialisait du mobilier de jardin et le beau temps voyait affluer la clientèle dans les grandes surfaces spécialisées. Depuis qu’il avait pris la direction du service marketing, il y avait bientôt quinze ans, Michel avait considérablement augmenté le chiffre d’affaires de cette entreprise familiale. Sa politique de réactualisation et de diversification de gammes avait été une réussite. Les produits étaient maintenant référencés par tous les grands de la distribution et Marcel Dutier, son président lui faisait totalement confiance.
Michel Sandorot préparait ses dossiers, lorsque son téléphone sonna. Il était 8 heures 30.
— Bonjour monsieur Sandorot. Je pars dans un quart d’heure, le directeur commercial et ma secrétaire m’accompagneront. Pouvez-vous emmener Renaud et Véronique, dans votre voiture, avec les échantillons de couleur et les maquettes ? Nous nous retrouverons à Fontainebleau.
— Bonjour monsieur le président. Nous sommes prêts à partir. J’ai aussi deux contrats urgents à vous faire signer, je les prend avec moi.
— D’accord, Michel, je les signerai à l’usine. À tout à l’heure.

La circulation était dense sur l’autoroute du Sud. Le siège social se trouvait à La Défense mais l’usine était située tout près de Fontainebleau et Michel s’y rendait régulièrement pour rencontrer le directeur de la production et tester les nouveaux produits. Aujourd’hui, il allait découvrir une nouvelle ligne baptisée « Skiathos » en raison de sa teinte bleue inspirée des îles grecques.
— Alors Renaud, content de découvrir votre bébé ? Après tout, c’est vous qui êtes à l’origine de Skiathos.
Renaud, le jeune chef de produit, était visiblement tendu. Il n’était dans l’entreprise que depuis quelques mois et avait eu l’idée de cette nouvelle teinte qui se différenciait nettement des blancs et verts habituels. Il se demandait anxieusement quel accueil serait réservé à son innovation. De plus, le président devait se rendre sur place pour découvrir, lui aussi, les prototypes et cela augmentait sérieusement son angoisse.
— C’est vrai que l’idée vient de moi. Mais sans Véronique, elle n’aurait sans doute pas abouti, rétorqua le jeune homme.
— Ah, enfin un mot gentil, je pensais que vous m’aviez oubliée, s’exclama Véronique. Jeune styliste, elle aussi depuis quelque mois dans la société, sa première mission avait été de seconder Renaud dans ce projet.
— Il faut dire qu’elle s’est plutôt bien débrouillée pour une première, pensa Michel.
— Mais non, je ne vous avais pas oubliée, Véronique. Je dirais même que Skiathos est aussi votre bébé et qu’il ne manque pas de caractère.
— Pourvu qu’ils aient bien réussie la teinte, s’inquiéta-t-elle.
— Nous n’allons pas tarder à le savoir, dit Michel.
Ils approchaient de Fontainebleau et les bâtiments blancs de l’usine se dessinaient sur un fond de forêt.
— Tiens, c’est étrange, le président n’est pas encore arrivé, souligna-t-il en approchant de l’aire de stationnement.
En effet, Marcel Dutier se déplaçait toujours en hélicoptère et l’héliport était vide. En toute logique, il aurait dû les précéder, puisqu’ils avaient quitté le siège pratiquement à la même heure.
Monsieur Dolmer, le directeur technique, les attendaient dans le hall d’accueil, l’air soucieux.
— Je suis inquiet, le président et ses passagers ne sont pas arrivés. Ils devraient être ici depuis vingt bonnes minutes. J’ai essayé de joindre l’hélicoptère par radio et n’ai pas obtenu de réponse.
— C’est effectivement étonnant, renchérit Michel. Nous sommes partis ensemble et il n’a pas fallu plus de temps à son chauffeur pour rejoindre l’héliport, quai d’Issy, qu’à nous pour atteindre l’autoroute du Sud.
Ils se regardèrent tous et, d’une petite voix chargée d’angoisse, Véronique demanda :
— Pourrions-nous voir les prototypes avant qu’ils arrivent. Je suis tellement impatiente.
— Et bien, allons-y, répondit monsieur Dolmer. Cela les fera peut-être venir.
Ils se dirigèrent vers l’usine et rejoignirent la salle des prototypes. Il y avait un salon de jardin complet, aux nouvelles teintes.
— La couleur est telle que nous l’imaginions, dit Renaud. Qu’en pensez-vous, monsieur Sandorot ?
— Cela me semble parfait. Et bien, Véronique, êtes-vous satisfaite ? rétorqua Michel.
— C’est superbe. Elle est formidable ! s’exclama la jeune fille.
À cet instant, la secrétaire de Dolmer fit irruption dans la salle des prototypes.
— Monsieur le directeur, les gendarmes vous demandent…
— Les gendarmes ? Mais que me veulent-ils donc ? s’inquiéta Dolmer.
Ils se précipitèrent vers l’entrée. La nouvelle tomba comme un couperet, l’hélicoptère avait percuté une ligne à haute tension et il n’y avait aucun survivant.
Dans les jours qui suivirent, le comité de direction nomma Michel directeur général de la Société. Ayant accepté ce poste, il décida de poursuivre la politique de son ancien président qui, jusqu’à maintenant, avait été profitable à l’entreprise. Un beau jour, alors qu’il pénétrait dans son nouveau bureau, Michel fut surpris de découvrir Fabrice Dutier, le fils du président défunt, assis dans son grand fauteuil de cuir.
Fabrice, récemment et brillamment promu d’Harvard, avait intégré un grand groupe aux États-Unis en temps que directeur financier. Sa carrière s’annonçait fulgurante et il n’avait pas l’intention de revenir en France. Michel ne laissa rien paraître de son étonnement et le salua courtoisement. Puis à la demande de Fabrice, il s’installa, face à lui, dans le fauteuil des visiteurs.
Le fils de Marcel Dutier ne lui laissa pas le temps de parler.
— Vous savez, qu’en tant que seul héritier, la présidence de la Société me revient de droit. Mon père vous faisait entièrement confiance et les affaires marchent très bien. C’est pourquoi, lorsque le comité de direction, que je préside depuis la mort de mon père, a décidé de vous nommer directeur général, j’ai accepté.
Il continua :
— Seulement les données ont changé. Le Groupe américain qui m’emploie a proposé de me racheter une partie du capital. Nos produits leur plaisent et ils désireraient les commercialiser aux USA.
Michel écoutait Fabrice et son esprit calculait très vite pour anticiper les possibilités d’expansion offertes par ces nouveaux accords.
— Cela me semble une très bonne chose, répondit-il. Par contre, nous devrons envisager d’agrandir l’usine pour répondre à la demande.
Le jeune homme sourit, d’un air méprisant qui déplut soudain à Michel.
— Qui vous parle d’agrandir l’usine ? Bien au contraire, nous allons fermer cette usine et nous installer au Mexique où la main d’œuvre est dix fois moins chère.
Michel s’indigna :
— Mais, nous n’allons pas supprimer leur emploi aux deux mille personnes qui travaillent à Fontainebleau !
Fabrice ricana :
— Ils iront pointer, puisque l’État français est assez stupide pour payer les chômeurs. Nous allons déjà être obligés de leur verser des indemnités de licenciement. Au moins au Mexique nous n’aurons plus ce genre de problème.
Michel était outré.

— Oubliez-vous que c’est votre père qui a créé cette Société et que ses employés lui faisaient confiance ? Certains sont ici depuis trente ans.
— La belle affaire ! rétorqua Fabrice. Nous sommes à l’heure du profit et l’individu n’existe plus.
Et comme Michel, furieux prenait congé, son interlocuteur annonça :
— Oh, à propos, monsieur Sandorot, vous êtes viré, bien sûr. Nous avons décidé de prendre un jeune directeur général américain. Lui, au moins, n’aura pas d’état d’âme. Vous pouvez passer, dès maintenant à la direction financière, ils sont prévenus, votre chèque est prêt. Ne vous inquiétez pas, vos indemnités sont suffisamment conséquentes, vous n’avez aucun recours possible. Je vous dispense de votre préavis, vous voyez, je suis bon prince.

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2


Michel dessinait à nouveau.
Depuis les Beaux-Arts, il avait très peu pratiqué cette discipline mais son inactivité forcée l’avait incité à reprendre ses crayons. Il commença par le fusain, puis la sanguine et se remit doucement à l’aquarelle. Il ne sortait presque jamais, juste pour acheter ses cigares et il y avait maintenant trois ans que ses journées se passaient ainsi. Toutefois le soir, la vie reprenait… Son épouse et ses enfants rentraient et parlaient de leur journée de travail, de fac ou de lycée. Et chacun faisait comme si tout était normal. Pourtant, depuis qu’il ne travaillait plus, leurs revenus avaient considérablement diminué.
Ce soir là, il avait du mal à suivre la conversation et son esprit vagabondait car, aujourd’hui, lorsqu’il était sorti acheter des cigares, il s’était passé quelque chose d’inhabituel…
Son buraliste habituel étant fermé, Michel s’était résolu à prendre sa voiture pour en chercher un autre. En plein mois d’août, Paris était très calme et il se glissa doucement dans le trafic. Comme il ne conduisait plus jamais en semaine, c’est avec plaisir qu’il retrouva sa grosse berline qu’il n’avait toujours pas revendue, de toute façon il n’aurait pas trouvé d’acheteur… Oubliant sa situation actuelle, il activa la climatisation et alluma la radio, le téléphone en loupe d’orme trônait toujours au milieu de la console… inutile. Il se souvint de sa vie active, coincé dans les embouteillages, entre deux rendez-vous ; son téléphone lui était alors indispensable. Quand il vit un tabac ouvert, Michel stationna en épi sur un parking proche.
Lorsqu’il activa la télécommande son véhicule, Michel n’entendit pas le claquement feutré de l’ouverture des portières, mais il n’y prêta pas attention. Ce n’est qu’à l’intérieur qu’il prit conscience de son erreur, sa clé ne rentrait pas. C’était exactement la même voiture… Il jeta un coup d’œil dans l’habitacle pour s’assurer qu’il s’était bien trompé et c’est à ce moment qu’il la vit…


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