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© Pages et Plage 2001 Création Alain Moreau

La route du thé

LA ROUTE DU THÉ
Alain MOREAU
roman
 © Les cèdres 1997

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6

Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12

Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16

Toute ressemblance ou homonymie avec des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite et involontaire.


1


La nuit avait été courte, mais Antoine Sandorot se leva sans peine. Il était pressé de quitter Genève pour rejoindre l’Auberge. Sa dernière année d’études était terminée et son diplôme de designer en poche, il se promettait des vacances de rêve sur le bateau du père de Virginie, Edmond Roussel-Dargon, un industriel de renom. Antoine se prépara rapidement, puis sortit et enfourcha sa moto. Nous étions mi-juin et le soleil qui se levait était prometteur. La journée serait superbe. Comme à son habitude, il négligea l’autoroute du Sud et emprunta la route Napoléon pour rejoindre le Lubéron. En approchant de Lacoste, il aperçut le Domaine des Cèdres qui commençait à prendre des couleurs au premier soleil. Il y avait bientôt deux ans que la résidence était ouverte et elle faisait le plein tous les étés.
— J’irai y faire un tour cet après-midi pour dire bonjour à Jérôme et à José, se dit Antoine en faisant vrombir sa puissante moto dans les derniers kilomètres qui le séparaient de l’auberge.
Il franchit la grille au moment même où Judith, sa mère, sortait en portant un plateau de petit déjeuner, Michel, son père, était déjà installé sur la terrasse qui surplombait la piscine. Judith le vit la première et poussa un cri de surprise qui fit se retourner Michel. À la vue de son fils, celui-ci se précipita à sa rencontre.
— Te voilà déjà ? Ma parole, tu t’es levé à l’aube ! s’exclama Michel en l’embrassant.

— J’étais très pressé d’arriver, rétorqua Antoine en les serrant tous les deux dans ses bras. Je compte bien profiter de mes dernières grandes vacances. Maintenant, c’est le boulot qui m’attend…
— Ta sœur arrive demain avec Laurent. Ainsi, la famille sera au grand complet, renchérit Judith, heureuse.
— Je serai ravi de voir Adélaïde, répondit Antoine. Mais dites-moi ? c’est le grand amour avec Laurent de Toutainville. Je sens que nous allons avoir un nouveau mariage.
— Adélaïde a terminé ses études, il ne lui reste plus qu’à trouver elle aussi du travail. Seulement Laurent est toujours à Saint-Pétersbourg et n’envisage pas de revenir en France, s’inquiéta Judith.
— Allons ! Ils sont suffisamment grands pour s’organiser. L’important, pour l’instant, c’est de profiter pleinement des vacances, la rassura Michel.
Et ils s’attablèrent tous les trois pour prendre leur petit déjeuner, face au Massif des Cèdres où l’on pouvait discerner à l’horizon le Domaine qui s’éveillait doucement en même temps que les cigales qui commençaient à chanter. Après un plongeon dans la piscine, Antoine s’empressa de monter au Domaine des Cèdres. Il avait la journée devant lui et comptait bien en profiter pour revoir ses amis. Jérôme et José avaient définitivement abandonné l’auberge où ils avaient débuté et s’occupaient maintenant à temps complet du domaine, Jérôme à l’accueil et José au manège avec ses chevaux. En grimpant les lacets du massif des Cèdres, Antoine se remémorait tout ce qu’il avait entrepris pour faire aboutir ce projet et il en était très fier. Le village était magnifique et respirait la joie de vivre. Il descendit jusqu’au parking, sous la résidence, stoppa sa moto et se dirigea vers le manège où José préparait les chevaux pour les premiers touristes. José était ravi de le revoir. Il est vrai qu’ils avaient quelques aventures communes, ce qui renforce l’amitié.
— Jérôme est au salon d’accueil, sur la terrasse. Il va lui aussi être très content de votre visite, monsieur Antoine, lui dit José avec son accent paysan, qui s’était encore accentué depuis qu’il s’occupait de ses chevaux.
Antoine monta sur la terrasse, en empruntant les ruelles et les escaliers qui faisaient tout le charme du domaine.
Les lauriers roses et les bougainvilliers étaient en fleurs et ils lui sembla que les palmiers nains et les figuiers avaient poussés. La résidence ressemblait encore plus à un village traditionnel. Effectivement, Jérôme était sur la terrasse et renseignait de nouveaux arrivants, il fit un signe de sympathie en apercevant Antoine et le rejoignit rapidement.
— Bonjour Antoine, dit Jérôme. Alors, vous êtes en vacances ? J’ai appris que vous aviez décroché votre diplôme. Vous avez une idée pour travailler ?
— Je vais d’abord profiter de mes vacances et j’aviserai ensuite. Ce n’est pas très simple de trouver un poste dans le design, le secteur est plutôt bouché.
Ils devisaient ainsi gaiement, heureux de se revoir, lorsqu’une jeune fille sortit du salon en titubant, traversa la terrasse et, brusquement glissa dans la piscine. Les cris des baigneurs firent se retourner les deux jeunes hommes, qui se précipitèrent et plongèrent pour remonter la jeune fille, inerte. Une fois sortie de l’eau, Jérôme et Antoine s’empressèrent de la ranimer. La jeune fille semblait très perturbée et ils décidèrent d’appeler un médecin. Une demi-heure plus tard, le médecin qui avait ausculté la jeune personne, vint les rejoindre et les entraîna vers le bureau de Jérôme.
— Cette jeune fille est droguée et vu l’heure, c’est au domaine qu’elle a pris sa dose, pourtant, il ne semble pas que ce soit une accoutumance. Vous devriez faire une enquête discrète.
Antoine et Jérôme se regardèrent sans mot dire. Il y avait deux mille cinq cents logements dans la résidence et même s’ils n’étaient pas encore tous occupés en juin, l’enquête n’allait pas être simple.
— Nous allons ouvrir l’œil, merci docteur, répondit Jérôme, soucieux.


Adélaïde et Laurent de Toutainville arrivèrent, comme prévu, dans le courant de l’après-midi suivant. Laurent fit glisser son cabriolet sur les graviers du parc et stationna, au pied de l’escalier qui menait à la terrasse. Nous étions jeudi et les premiers clients n’allaient pas tarder. L’auberge ouvrait toujours du jeudi après-midi au mardi, en fin de matinée et avait conservé sa clientèle parisienne. Judith, Michel et Antoine se précipitèrent pour les accueillir.
— Avez-vous fait bonne route ? s’enquérit Judith en embrassant sa fille, déjà toute bronzée.
— Excellente et sans excès de vitesse. Je n’ai même pas eu besoin de téléphoner pour prévenir les radars, répondit Adélaïde, en riant du regard chargé de reproches de Laurent.
— Excellente, je vous remercie, renchérit Laurent, toujours un peu coincé. Nous sommes ravis de votre invitation.
Ils s’installèrent sur la terrasse, alors que Michel allait au devant des premiers clients, qui s’engageaient dans l’allée. Antoine le rejoignit et s’occupa des bagages. Il n’aimait pas beaucoup voir son père porter de lourdes charges, depuis son accident. Michel paraissait être totalement remis et marchait comme avant, il avait même totalement oublié son fauteuil roulant, mais son fils veillait tout de même sur lui.
— Laurent ne pourra pas rester très longtemps, car il doit rejoindre son ambassade fin juin, dit Adélaïde. Aussi ai-je fait descendre ma moto par le train. Tu pourras m’emmener Antoine ? Elle arrivera demain à Avignon.”
— Bien sûr, petite sœur, si tu n’as pas peur derrière moi, répondit son jeune frère.
— Merci tu es gentil, je te la prêterai pour le retour, renchérit Adélaïde, toujours taquine.
En juillet, je suis invitée par Virginie, sur le yacht de son père, pour une croisière dans les îles grecques. Toi aussi ?
— Je ne savais pas qu’il s’agissait des îles grecques, mais je sens que je vais me laisser faire, rétorqua Antoine.


Adélaïde poursuivit, en se tournant vers ses parents :
— Puis en août, Laurent reviendra à Lacoste et si vous le voulez bien nous nous marierons. Ensuite nous nous envolerons vers Saint-Pétersbourg où, devinez quoi… un journal me propose d’être leur correspondante pour les pays de l’Est. Eh oui, j’ai déjà trouvé un job ! Ce n’est pas génial ça ?
Ils l’applaudirent tous et Judith répliqua, émue :
— Nous sommes très heureux de cette double nouvelle. Nous préparerons les invitations, dès la semaine prochaine. Ce sera une très belle fête, vous la méritez bien.
À cet instant précis, le téléphone portable d’Antoine fit retentir son Bip-Bip caractéristique. Jérôme avait entamé une enquête discrète, dès que le médecin l’avait prévenu d’un possible trafic de drogue dans le Domaine. Il avait convoqué José, Paul, le gardien et Didier, le responsable du centre sportif où se trouvaient aussi le bar et le bowling. Chacun avait consigne de le prévenir, à la moindre attitude suspecte des résidents. Leur vigilance avait été rapidement récompensée. Le responsable du centre sportif appela Jérôme le lendemain de l’incident, en fin d’après-midi :
— Monsieur Jérôme ? Il me semble qu’il y a au bowling, des individus qui ne sont pas de la résidence. Ils se mêlent aux jeunes vacanciers et cela ne me dit rien qui vaille.
— Ne bougez pas, Didier. J’arrive, répliqua Jérôme. Puis il se dirigea rapidement vers le petit chemin qui menait au centre sportif. Il fut surpris de découvrir trois trails devant celui-ci. Il pénétra dans le bâtiment, traversa la salle de remise en forme et rejoignit le bar où Didier l’attendait.
— Voyez, monsieur Jérôme, près du bowling, murmura celui-ci.
Effectivement, les trois personnages, qu’il désignait discrètement, ne faisaient pas partie de la résidence. Ils étaient en tenue de motard, le premier avait un tatouage sur l’avant-bras, le second avait le crâne rasé et une boucle d’oreille et le troisième était une fille, toute vêtue de cuir avec des cheveux coupés ras, sauf sur le dessus, où une longue mèche rouge retombait sur son front. Sans hésiter, Jérôme s’approcha d’eux et les interpella, sans élever la voix pour ne pas les agresser.
— Bonjour ! Je suis le directeur du Domaine des Cèdres. Vous êtes nouveaux dans la résidence ? Il me semble ne pas vous avoir rencontrés.
Le tatoué se retourna brusquement et toisa Jérôme :
— Oui, nous sommes arrivés hier. Nous sommes au 1815. Pourquoi ? Y a un problème ?
— Non, mais je reçois tous les nouveaux arrivants et je ne me souviens pas de vous. Les trails qui sont devant le centre sportif sont-ils à vous ?
— Ouais et alors ? répliqua la fille.
— Les engins à moteurs sont interdits dans tout le domaine. Ils doivent stationner dans le parking à côté du manège où vous pouvez louer des VTT.
— Ah l’autre ! répliqua le troisième motard. Tu nous as vus, on a des tronches à faire du vélo, peut-être ?
Le tatoué reprit :
— Nous, on circulent à moto. OK ? Et si tu n’es pas content, c’est pareil.
— Dans ce cas, je serais obligé d’abréger votre séjour dans le domaine, insista Jérôme.
— C’est ça, viens-y-voir, ricana la fille. Nous, on fait ce qu’on veut et c’est pas toi qui fera la loi ici.
Puis ils sortirent en ricanant, sautèrent sur leurs motos et lâchant les gaz, traversèrent le bois pour rejoindre la route.
— S’il reviennent, j’appelle Antoine, pensa Jérôme.
Il retourna vers son bureau et vérifia le nom des locataire du 1815. Il s’agissait de Monsieur et Madame Van den Bergues. Jérôme décida de leur rendre visite. C’était un couple de retraités bien tranquilles, qui n’avaient vraisemblablement rien à voir avec les trois personnages. Jérôme les questionna tout de même. Bien sûr, ils ne connaissaient personne répondant à ce signalement. À cet instant, un vrombissement emplit le village et les trois motards le traversèrent à fond, en empruntant la voie réservée aux handicapés et aux cyclistes. Alors Jérôme appela Antoine. Celui-ci écouta attentivement son récit.
— N’aie crainte Jérôme, nous arrivons, le rassura-t-il.
Puis il expliqua brièvement à son père ce qui se passait.

— Attends-moi une minutes, dit Michel. Puis il entra dans son bureau, ouvrit son coffre, prit son revolver qui lui avait été autrefois utile pour lutter contre les maffieux et rejoignit son 4x4.
— Nous n’en aurons pas pour longtemps, dit-il à Judith.
Puis ils grimpèrent au Domaine. Durant le trajet, Michel prévint Prosper Caderousse, le commandant de gendarmerie, afin qu’il les rejoignent avec quelques hommes. Lorsqu’ils pénétrèrent dans l’enceinte du Domaine des Cèdres, celui-ci paraissait très calme.
— Ils ont dû repartir. Allons voir le gardien, constata Antoine. Et les deux hommes entrèrent dans le poste de contrôle. Paul les salua et leur montra les écrans de contrôle, d’où l’on voyait tous les points stratégiques du village. Les trois motos étaient stationnées sur la place centrale et les motards, assis sur un banc, regardaient les boulistes.
— Ils n’ont pas l’air dangereux, constata Michel, allons leur parler. Il téléphona à Jérôme, pour qu’il les rejoigne sur la place du village, puis dit au gardien de prévenir les gendarmes, dès leur arrivée :
— Dites leur où nous sommes.
José, qui était venu les rejoindre et observait les écrans, les appela brusquement :
— Venez voir ! Un homme s’est approché d’eux, il semble vouloir leur donner quelque chose, mais ils n’en veulent visiblement pas.
Effectivement, une tension semblait s’installer sur la place. Le personnage au crâne rasé avait saisit l’inconnu, par le col de son polo et le secouait énergiquement.
— Allons vite voir ce qui se passe, dit Michel et ils se précipitèrent vers la place.
À leur arrivée, ils invectivèrent le groupe. Les trois suspects se retournèrent et l’inconnu en profita pour s’éclipser, en bousculant Jérôme qui arrivait tout juste. Antoine avait juste eut le temps d’apercevoir le fuyard, dont le visage était dissimulé par des lunettes de soleil et une casquette de golfeur.
— On n’a rien fait m’sieur, dit la fille à la mèche rouge, c’est l’autre mec qui voulait nous fourguer de la « dope » et mon pote supporte pas.
À cet instant, Prosper Caderousse arriva et les interpella :
— Suivez-nous s’il vous plaît.
Installés dans le bureau de Jérôme, avec Michel, Antoine et les gendarmes, les trois motards confirmèrent ce qui s’était passé. Ils regardaient calmement les boulistes, quand un inconnu s’était approché et leur avait proposé de la drogue. Le motard au crâne rasé s’était alors mis en colère, il ne supportait pas les dealers, car son frère était mort d’overdose l’année précédente.
Michel les écouta patiemment et prit la parole :
— Nous ne nous connaissons pas, je me présente donc. Je suis le maire de la commune et je suis comme vous, je ne supporte pas les dealers. Or, il se trouve qu’il y en a un qui sévit dans la résidence. Je pense que vous pouvez nous être utiles, mais je dois d’abord vous poser une question. Êtes vous vraiment locataires ici ?
Le tatoué répondit :
— Non ! Nous avons menti au directeur. En fait, nous campons dans la forêt… nous savons que c’est interdit, mais nous n’avons pas d’argent.
— Voila ce que je peux vous proposer, reprit Michel, nous vous offrons un logement dans la résidence, pour huit jours, mais vous nous aiderez à démasquer l’inconnu qui vous a proposé la drogue. Par contre, vous devez vous engager à ne pas utiliser vos motos dans la résidence et à respecter les consignes affichées.
— Oh, merci monsieur le maire. C’est promis, nous allons ranger les motos au parking et comptez sur nous pour retrouver cette ordure, s’écrièrent-il en chœur.
— Par contre, ne prenez aucun risque, recommanda Michel. Prévenez-moi, voici mon numéro de portable.

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2


Michel était sur une nouvelle toile. Durant sa convalescence, il s’était remis à peindre et avait persisté lorsqu’il avait à nouveau marché. Deux ans après l’accident, il faisait toujours de la rééducation, mais marchait très bien sans canne, il fatiguait juste un peu.

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