Paris était gris et triste, et Julie aussi était triste. En remontant frileusement le col de son imperméable, elle s’engouffra dans une bouche de métro. Commerce-Daumesnil, c’était direct. Il y avait plus de vingt stations, mais elle trouvait toujours une place assise, en sortant du bureau, vers dix sept heure. Et elle se plongeait dans un bouquin, pour occuper son temps. Lorsqu’elle avait trouvé ce job, dans une agence immobilière, elle ne s’était pas résolue à chercher un appartement dans le XVème. Son petit deux pièces du quartier Daumesnil lui convenait. Julie détestait cette période. Après l’euphorie de l’automne et ses feuilles rougies, puis sa boulimie de shopping et de nouvelles fringues, les vitrines de Noël, huit semaines à l’avance, la déprimaient. Pour elle, Noël c’était les premiers froids, la première neige, et l’envie de sports d’hiver. Toutes les affiches du métro regorgeaient de publicités de jouets, jusqu’à l’écœurement.
À Concorde, un texte attira pourtant son regard : « Oubliez l’automne et envolez-vous pour un safari-photo d’une semaine - 5990 francs - Paris- Nairobi AR compris - Agence Opéra » La photo montrait un ciel immense, sur un lac d’où émergeaient quelques arbres. La paix absolue…
Julie eut l’impression de connaître cet endroit. Elle referma son livre, se leva, et se fraya un chemin vers la porte de la rame. Deux stations plus loin, elle descendait. Elle tourna rapidement le dos à l’Opéra, et se dirigea vers l’agence. Vingt minutes plus tard, elle rejoignait le métro, un billet d’avion soigneusement rangé dans son sac. Mardi prochain, elle serait au Kenya…